L’histoire de la décadence aristocratique à travers le portrait déroutant d’une fratrie
De gauche à droite : Sydney, Nancy, Diana, Tom, Pamela, David. En bas : Unity, Jesscia, Deborah.
On a lu Les extravagantes sœurs Mitford le roman d’Annick Le Floc’hmoan retraçant l’histoire des filles Mitford. Sa parution n’est pas récente : le livre a été publié en 2002.
Le roman est intéressant d’abord pour l’histoire des sœurs Mitford, mais également pour sa documentation et ses sources. L’auteur essaie de retranscrire, leur vie au plus près de la vérité et pour cela elle a lu beaucoup de leurs correspondances.
Elle a également rencontré beaucoup de personnes qui ont fait partie de la famille ou qui les ont connus : parmi eux on compte les sœurs Mitford : Diana Mitford Mosley et la duchesse Deborah Mitford Cavendish, Constancia Romilly la fille de Jessica Mitford et l’époux de celle-ci Robert dit Bob Treuhaft ainsi que Madame Gaston Palewski, épouse de Gaston Palewski l’ancien amant de Nancy Mitford.
Ce qui est également intéressant c’est qu’étant une histoire vraie, les sœurs ont entretenu de nombreuses correspondances à l’époque et certaines d’entre elles ont écrit des autobiographies, on peut donc aisément se faire une meilleure idée et compléter nos informations sur les faits et leur vie à chacune.
Qui sont les sœurs Mitford ?
Issues de l’aristocratie anglaise du XXe siècle, elles sont les témoins de la décadence de leur milieu et font donc partie des dernières aristocrates, telle qu’a été l’aristocratie anglaise.
Ce qui peut être qualifié « d’extraordinaire », c’est le destin de chacune d’entre elles, parfois radicalement opposé qu’elles ont connus. Il faut noter que les sœurs Mitford ont été des célébrités de leur temps et ont parfois fait couler beaucoup d’encre.
De gauche à droite : Sydney, Nancy, Diana, Tom, Pamela et Unity, Jessica, Deborah.
Un père sagement excentrique
David Mitford, le père des jeunes filles s’offusque de la direction que prennent la plupart d’entre elles, pourtant il est indéniable que leur caractère et leur originalité – parfois- proviennent de lui. David Mitford, dit Lord Redesdale, est une figure de l’aristocrate un peu excentrique. C’est lui qui décide d’adopter une mangouste et non un chat pour chasser les souris dans son bureau. L’animal n’est pas le seul chez les Mitford, il y a toujours des chiens, des oiseaux et un poney acheté un matin par Lord Redesdale alors qu’il se rend au journal The Lady où il travaille[1]. Le jour où la famille doit prendre le train en première classe et qu’on lui refuse l’accès en raison du poney, David Mitford décide que la famille et les animaux iront en troisième classe.
Si étrangement, David et Sydney, son épouse, apprécient les traditions, le couple fuit les mondanités. Leur relation se dissout durant la Seconde Guerre mondiale, quand Lord Redesdale ne supporte plus d’entendre sa femme admirer Hitler et l’Allemagne, alors que lui-même s’était laissé flatté, avant la déclaration de guerre, par le Führer qu’ils avaient rencontré auparavant. Farve et Muv, comme les appellent leurs enfants, finiront par vivre séparément. Pourtant au crépuscule de la vie de l’homme qui est toujours son époux, Sydney accourt à son chevet. Ils se remémorent les souvenirs heureux avant que Lord Redesdale s’éteigne.
Nancy
Annick Le Floc’hmoan a choisi de porter son récit principalement sur Nancy, la sœur aînée. On pensait qu’elle serait la sœur rebelle, mais elle est finalement restée très attachée à l’aristocratie. Nancy c’est l’auteur parmi ses sœurs. Beaucoup d’entre elles écriront, mais Nancy est reconnue comme la romancière de la fratrie. Elle a publié pas moins de seize œuvres. Beaucoup de ses romans ont été des best-sellers et l’un d’entre eux, The Pursuit of love a été récemment adapté par la BBC (avec Lily James). Ses romans sont souvent inspirés de sa vie et celui-ci ne fait pas exception puisqu’il s’agit des aventures d’une jeune aristocrate dans l’Entre-deux-guerres qui vit des amours tumultueux. Dans ses œuvres, vous retrouverez souvent des références à ses connaissances, amis, famille, amants et à ses épreuves.
Nancy photographiée par Cecil Beaton
Nancy, c’est aussi la femme des amours déçus, entre un fiancé qui n’a pas voulu s’engager avec elle, un époux qui s’est vite lassé d’elle, et des amours dans lesquels elle s’est beaucoup investie…seule. Parmi eux figure celui qu’elle a le plus aimé : Gaston Palewski. Son nom ne vous dit peut-être rien aujourd’hui, mais il fut le bras droit de De Gaulle lors de la victoire de 1945 et dans sa politique à venir. Pour lui, Nancy s’installe en France et y restera. Malgré ses espoirs, il ne l’épousera jamais et courait après d’autres femmes. Quant à Peter Rodd, son premier époux, celui-ci revient par périodes tout au long de sa vie, souvent pour profiter de l’argent de Nancy lorsque celle-ci publie des best-sellers. Peter refuse pendant longtemps de divorcer. Durant l’une de leurs rares périodes de bonne entente et de complicité, Nancy tombe enceinte. Mais elle ne mènera pas sa grossesse à terme et n’aura jamais d’enfants.
La position de Nancy est assez ambivalente tout au long de sa vie et notamment du roman. Elle se rêvait rebelle et invitait, quand elle était jeune femme, des amis d’Oxford déjantés pour l’époque et homosexuels chez ses parents. Mais rapidement, Nancy s’est rangée. Après une longue relation, plutôt à sens unique avec Hamish Saint-Clair Erskine, homosexuel affirmé qui aurait eu une « aventure » avec le frère de Nancy, celle-ci rencontre et épouse Peter Rodd. Il se désintéresse rapidement de Nancy et son départ à la guerre marque la fin sentimentale de leur mariage sur lequel Nancy fait une croix, notamment lorsqu’elle apprend qu’à plusieurs reprises, Peter s’est rendu en Angleterre durant ses permissions et a tout fait pour que Nancy ne soit mise au courant de ses retours. Elle écrit d’ailleurs beaucoup dans des journaux en se moquant habilement de la société aristocratique qu’elle connaissait bien. Pourtant elle est choquée par le roman que publiera Jessica sur leur milieu.
Peter Rodd et Nancy – Mariage (1933).
Nancy a depuis sa jeunesse, et tout au long de sa vie entretenu des amitiés avec des figures littéraires connues, notamment Evelyn Waugh à qui elle a souvent envoyé les ébauches de ses romans…
La position de Nancy avec l’étiquette est d’autant plus troublante que c’est elle qui rejoint sa sœur Jessica dans le Sud de la France pour convaincre celle-ci de rentrer en Angleterre et d’abandonner l’homme anti-fasciste avec qui elle vit et mène la lutte contre Franco. N’est-ce pourtant pas Nancy, qui encore mariée, entretiendra des relations avec des hommes ? Ses idées politiques et sociales sont toutes aussi déroutantes : elle qui militait contre le nazisme « ressemble de plus en plus à son père, avec la même peur, masquée de dédain, pour toute personne différente »[2]. Quand Jessica lui rend visite avec sa fille et l’amie de celle-ci, Nancy décrit cette dernière comme une « répugnante amie [3]». L’auteur émet la supposition que les mots durs de Nancy proviennent du fait que cette amie est noire[4].
Assaâd Bouab et Lily James – The Poursuit of love.
Diana
Face à Nancy, il y a Diana qui a fait scandale en Angleterre. La jeune femme épouse tôt le fils des brasseries Guinness. Mais après une rencontre avec Sir Oswald Mosley, Diana tombe follement amoureuse. Mosley est le fasciste anglais qui a créé la British Union Fascist (BUF) en 1932.
The Honroable Mrs Guinness as Venus – The Yevonde Portrait Archive.
Pour les fans de séries, vous avez vu Oswald Mosley joué par Sam Clafin dans les saisons 5 et 6 de Peaky Blinders. On y voit aussi Diana dans l’épisode 2 de la saison 6.
Amber Anderson joue Diana dans la série Peaky Blinders.
Une fois que Mosley est veuf, celui-ci accepte d’épouser Diana. Bryan Guinness a accepté avec lassitude le divorce qui lui octroyait les torts pour de fausses raisons. Ils avaient alors deux fils. Cependant, le mariage doit se faire dans le secret, Mosley ne veut pas contrarier sa maîtresse et belle-sœur…
Bryan Guinness et Diana durant leur voyage de noces en Italie (1929).
Proche des membres du IIIe Reich, c’est le couple Goebbels qui propose sa maison pour le mariage secret qui a lieu en 1936 et en très petit comité. Unity, la sœur nazie de Diana et Magda Goebbels sont les témoins de la mariée. Deux hommes sont les témoins d’Oswald Mosley. Quant aux deux autres invités, il s’agit de Goebbels et d’Hitler. Celui-ci, très mégalomane, offre un portrait de lui-même aux jeunes mariés, selon Annick Le Floc’hmoan, le tableau trônera fièrement dans le salon de Diana jusque dans les années cinquante[1].
La réalité de la guerre et du nazisme rattrape les relations fraternelles et Nancy, choquée par les affinités de sa sœur avec Hitler, la dénonce secrètement à l’Angleterre. Mosley, puis Diana qui vient de donner naissance à leur deuxième fils, sont arrêtés en 1940 et menés en prison. Ils y resteront trois années, jusqu’à ce qu’ils soient libérés pour des raisons de santé concernant Mosley… Nous sommes alors en 1943 et il ne fait pas bon d’être proche des nazis en Angleterre. Le couple se fait discret jusqu’à ce qu’il récupère ses passeports en 1947. Ils ne se contentent plus de leurs allers et retours entre leurs domaines en France et en Irlande mais font des voyages plus importants. Ils profitent de leur liberté nouvellement acquise pour rendre visite au couple De Galle-Simpson, Wallis Simpson, américaine deux fois mariée et son époux, l’ancien roi d’Angleterre, Edward VIII qui a abdiqué pour épouser Wallis et dont les sympathies pour le nazisme ont déjà dérangé. Ils rendent également visite au gendre de Franco en Espagne, et s’arrêtent sur les rives du Portugal alors sous l’emprise de Salazar. Malgré des relations encore ouvertement proches des partisans nazis, le couple parvient à conserver des relations mondaines dans cette Europe post-apocalyptique.
Unity
Unity est la sœur ayant fait couler le plus d’encre en Angleterre. Jeune fille, elle est prise d’idolâtrie pour Hitler. D’abord certainement pour se démarquer et faire parler d’elle dans sa famille, bien que les Redesdale soient, au début de la montée du nazisme, plutôt favorables aux mesures d’Hitler car l’aristocratie craint encore un soulèvement bolchévique tel que celui de la Russie en 1917, et la famille, comme beaucoup de gens de leur milieu, est antisémite à l’époque. Pourtant, rapidement les parents Redesdale vont s’opposer quant à leur affection pour Hitler. Muv, qui a rencontré le Führer par l’intermédiaire de ses filles à plusieurs reprises, apprécie l’homme qui l’a toujours reçue avec une grande courtoisie. À sa différence, Farve se dédouane rapidement d’Hitler à la chambre des Lords. Ces désaccords politiques et sociaux mettent tant le couple en rage qu’il décidera de ne plus vivre ensemble.
Les Redesdale sont, au début de la montée du nazisme, plutôt favorables aux mesures d’Hitler car l’aristocratie craint encore un soulèvement bolchévique tel que celui de la Russie en 1917.
Unity et Diana posant pour le Daily Express lors d’un événement nazi en 1937.
Mais dans les années trente, Unity, jeune fille impressionnable, trouve dans le nazisme une ferveur qu’elle recherchait. Elle se rend en Allemagne, où, en tant que véritable groupie, elle cherche par tous les moyens à rencontrer Hitler. Constatant sa ténacité, on finit par l’informer de la brasserie où se rend tous les jours Hitler. La jeune fille s’y rend. Le jour où elle l’aperçoit, Unity n’en croit pas ses yeux, mais ne se présente pas au leader du parti pour autant. Au fur et à mesure du temps, Hitler remarque cette jeune fille et finit par l’inviter à sa table. Il ne pouvait pas lui faire de plus beau présent. Hitler aime être flatté et Unity n’a d’yeux que pour lui. Sa jeunesse, mais surtout son appartenance à l’aristocratie anglaise, l’intéressent puisqu’il souhaiterait s’allier à l’Allemagne. C’est dans ce dessein qu’il invite les parents de la jeune fille à le rencontrer. Le couple, au début, se laissera gagner par les manières du nazi.
Rapidement, Unity se fait une place auprès d’Hitler, ce qui ne plaît pas à beaucoup de ses collaborateurs ni à sa maîtresse. Extrêmement jalouse, Eva Braun, beaucoup plus jeune elle aussi qu’Hitler, voit en Unity une rivale. Mais une tentative de suicide la rapproche à nouveau de son amant. Certains diront qu’Unity était amoureuse d’Hitler, ce n’est pas la version sur laquelle tous les historiens s’accordent. Mais sa ferveur nazie et son dévouement reposaient indéniablement sur la figure d’Hitler qu’elle fréquentait. Amante ou amie, ses déclarations outrageuses finissent par trop attirer l’attention et poser problème à l’approche de la guerre, ainsi que sa promiscuité avec Hitler (elle est à ses côtés lorsque celui-ci annonce le rattachement forcé de l’Autriche à l’Allemagne en 1938).
Certains diront qu’Unity était amoureuse d’Hitler. Mais sa ferveur nazie et son dévouement reposaient indéniablement sur la figure d’Hitler qu’elle fréquentait.
Unity aux côtés d’Hitler – 1936 (?).
Dans le journal du nazi Julius Streicher, Der Stürmer, Unity déclarait : « Les Anglais n’ont aucune notion du danger juif. Notre Juif ne fonctionne qu’en coulisses. Nous pensons avec joie au jour où nous serons en mesure de dire : l’Angleterre aux Anglais ! Dehors les Juifs ! Heil Hitler ! […] S’il vous plaît, publiez mon nom en entier, je veux que chacun sache que je suis une ennemie des Juifs. » Ces déclarations font rapidement la une des journaux d’Angleterre en 1935 : « La fille d’un lord proclame sa haine des juifs », publie le Daily Mirror.
Hitler lui trouve un appartement dans le centre de Munich qu’elle visite, discutant des aménagements alors que le couple juif qui vient d’en être dépossédé est encore dans la cuisine, en larmes.
Mais lorsqu’il est conscient que la guerre entre l’Allemagne et l’Angleterre est inévitable, Hitler encourage Diana et Unity à rentrer chez elles. Seule Diana obéit et est arrêtée peu après son retour. Unity ne peut se résoudre à rentrer, mais la guerre qu’elle veut à tout prix éviter entre ses deux nations de cœur la rattrape. Le 3 septembre 1939, le jour de l’annonce de l’entrée en guerre des deux pays, Unity est retrouvée dans un parc en Allemagne. Elle s’est tiré une balle dans la tête.
Lorsque le Führer apprend la nouvelle, il se raidit. Sous ses ordres, les meilleurs docteurs sont mobilisés auprès d’Unity qui a survécu à sa tentative de suicide. Il ordonne à Goebbels, ministre de la propagande, d’interdire toute mention de Unity et des événements à la presse. Le Führer lui rend visite à la sortie de son coma. Elle ne semble même pas le reconnaître. Quand il revient quelques jours plus tard, son entrevue avec Unity le laisse plus optimiste. Il affirme qu’elle a demandé à rentrer chez elle, il fera le nécessaire.
Unity et un adjudant d’Hitler (1933) Archives Universal History Archives.
Le suicide n’est pas une chose nouvelle pour Hitler. Eva Braun y a eu recours quelques années auparavant, et il avait déjà été confronté au suicide de sa nièce : Geli Raubal, la fille de sa demi-sœur. Geli lui avait permis de se montrer auprès d’une jeune et belle femme, de se construire une image d’homme séduisant. Il devient très possessif envers la jeune fille, qui n’apprécie de son oncle que le luxe qu’il lui permet de côtoyer. Lorsqu’elle entretient une liaison avec son chauffeur, Hitler renvoie ce dernier et enferme Geli dans un appartement. La jeune fille veut rentrer chez elle, mais il refuse. Un matin, elle est retrouvée morte dans sa chambre. C’est avec l’arme d’Hitler qu’elle se serait tirée une balle. La version officielle du régime prétend qu’elle jouait avec l’arme, mais beaucoup évoquent l’idée d’un meurtre orchestré par Hitler.
Le rapatriement d’Unity est décidé, mais l’entreprise est difficile en ce début de guerre. On choisit alors de la transférer en Suisse, pays neutre, où ses parents pourront venir la chercher. Lord Redesdale reçoit enfin des nouvelles de sa fille, qu’il cherchait en vain avec l’aide de l’ambassade. Ce sont Madame Redesdale et Rebecca qui effectuent le voyage. À la vue d’Unity, les deux femmes sont choquées : la jeune fille ne ressemble plus à celle qu’elles connaissaient, son état inspire la peur, ses cheveux n’ont pas été lavés depuis trois mois, et elle refuse qu’on lui touche la tête, là où demeure la balle.
Unity photographiée lors de son retour en France.
À l’annonce du retour de la sœur nazie, les journaux s’empressent de venir photographier la blessée. Le port où Lord Mitford attend la famille Redesdale est bloqué pour permettre un débarquement discret, mais sur la route et devant l’hôtel, les journalistes les rattrapent. On s’outragera plus tard qu’en pleine période de restrictions financières, l’Angleterre ait fermé tout un port pour assurer un retour confortable à une aristocrate nazie.
Unity récupère lentement. Elle ne peut plus se nourrir seule, et Nancy vient aider ses parents. L’état d’Unity s’améliore un peu, mais elle continuera à se comporter comme une enfant jusqu’à ses derniers jours. Présente au mariage de sa sœur Deborah, les journaux anglais s’indignent : « Si elle est en état de se rendre à un mariage, elle est en état d’aller en prison. » Comme toujours, le gouvernement, qui compte des proches des Mitford, tente de s’expliquer. Quant à Hitler, Unity en parle peu, et lorsqu’on l’interroge à son sujet, elle change rapidement de sujet.
Elle s’éteint en 1948, des suites des complications provoquées par sa blessure.
Unity et Diana avec les deux fils Guinness de celle-ci (1935).
Des années après sa disparition, Unity Mitford continue de faire parler d’elle. Un journaliste, Martin Bright, s’intéresse de près à son suicide. Il avance l’hypothèse que celui-ci n’était qu’une mise en scène organisée par les nazis afin de lui éviter des interrogatoires à son retour en Angleterre.
En 2007, Martin Bright reçoit un appel troublant concernant le descendant d’une femme ayant jadis été patiente dans une maternité privée d’Oxford où Unity aurait résidé pendant la guerre. Cette personne affirme qu’Unity y aurait accouché sous X avant de confier son enfant à l’adoption.
Unity aurait accouché sous X et confié son enfant à l’adoption.
Martin Bright mène l’enquête, mais d’autres témoins, comme la sœur d’une infirmière de l’époque, soutiennent qu’Unity était hospitalisée pour une dépression nerveuse. Contactée par le journaliste, sa sœur Deborah dément fermement cette rumeur et se dit prête à présenter le journal intime de leur mère pour le prouver.
Bright apprend également qu’un dossier concernant Unity est classé et scellé pour 100 ans aux Archives Nationales. Il obtient néanmoins l’autorisation de le consulter. Il y découvre un simple rapport confirmant la relation de Unity Mitford avec un pilote allemand marié.
Son enquête a été relatée dans un documentaire intitulé « Hitler’s British Girl », diffusé en 2007.
Jessica
Jessica est l’opposée politique de sa sœur Unity, et c’est peut-être, malheureusement, à cause de rivalités adolescentes que Unity s’est engagée avec autant de ferveur dans le nazisme. Jeunes filles, les deux sœurs partageaient la même chambre. À cette époque, Jessica, qui aimait provoquer ses parents, se passionnait pour le communisme. Elle lisait les principaux auteurs du mouvement et décorait sa partie de la chambre avec des insignes communistes. Unity décida alors de faire de même avec des symboles nazis. Les deux sœurs délimitèrent leur espace à la craie sur le mur pour marquer leur séparation. Pourtant, malgré cette divergence politique marquée, Unity et Jessica restaient très proches.
Jessica Mitford (env 1938)- photographie de Yvonde (Crédits Mary Evans Pictures Library).
Déjà préoccupée par la lutte des Espagnols face à Franco, Jessica rencontra son cousin, le neveu de Churchill, Esmond Romilly. Ce fut un véritable coup de foudre. Ensemble, ils s’engagent en Espagne contre le fascisme. En apprenant que sa fille se trouve au cœur de la guerre civile espagnole, et qu’elle vit avec un homme qu’elle n’a pas épousé, Lord Redesdale entre dans une colère noire. Avec l’aide de l’ambassade, il met tout en œuvre pour la faire revenir.
Les frères Esmond et Giles Romilly partagentdes valeurs communistes depuis leur adolescence. Ils se font rapidement remarquer, notamment en distribuant des tracts communistes au lycée le jour de l’Armistice. Esmond fonde le journal Out of Bounds, destiné à la jeunesse. Chez les Mitford, on parle des frères Romilly avec consternation, tandis que Jessica dévore leurs ouvrages : Out of Bounds, The Education of Giles Romilly et les écrits d’Esmond Romilly.
Lorsque la guerre civile éclate en Espagne, Jessica découvre dans les journaux les actes héroïques d’Esmond, qui combat aux côtés des républicains. Mineure, elle désespère de ne pas pouvoir agir elle aussi. Quelques temps plus tard, Esmond, malade, est ramené en Angleterre chez sa tante, qui est sa représentante légale. Celle-ci invite Jessica à venir lui rendre visite. La jeune fille y voit une occasion d’approcher le jeune homme.
Esmond est bien là, et ce n’est pas un hasard : Giles, qui a rencontré Jessica ainsi qu’un autre ami commun, lui a parlé de leur jolie cousine désireuse de rejoindre la lutte en Espagne. Jessica et Esmond projettent alors de partir ensemble. Elle s’enfuit avec lui. Durant leur périple pour gagner l’Espagne, Esmond se confie : il est amoureux d’elle. Ils se fiancent.
Lorsque les Mitford apprennent que Jessica n’est pas chez des amies comme elle l’avait prétendu, ils sont furieux. Ils reçoivent alors une lettre de leur fille, qui les informe de ses fiançailles et de son engagement auprès des Espagnols. La famille se réunit alors pour imaginer toutes les manières de ramener Jessica et de punir ce garçon.
À Bilbao, le jeune couple reçoit une nouvelle visite désagréable. On leur apprend que Jessica est toujours sous la tutelle de la Haute Cour de justice et que si Esmond l’épouse sans autorisation, il risque la prison. On leur impose également un chantage cruel : un navire anglais doit venir évacuer femmes et enfants en danger sur le territoire espagnol, mais si Jessica ne rentre pas, le bateau ne partira pas.
Bien entendu, le couple ne peut se résoudre à mettre en péril ces rescapés. Ils acceptent donc de quitter l’Espagne, mais Esmond affirme qu’ils ne retourneront pas en Angleterre. Leur destination sera le sud de la France.
Nancy et son époux les accueillent à leur arrivée. Bienveillante, Nancy essaie cependant de raisonner sa sœur, qui refuse catégoriquement de rentrer. Débrouillard et courageux, Esmond parvient à décrocher un emploi de traducteur espagnol… sans parler la langue.
Finalement, la mère de Jessica baisse les armes, comprenant que le couple est indéfectible. Elle persuade son mari d’accepter le mariage, qui a lieu en 1937, en petit comité à Bayonne. Jessica est alors enceinte de deux mois.
Jessica et Esmond Romilly.
Après la défaite de l’Espagne face à Franco, le couple est abattu. Ils s’installent chez des amis dans un quartier ouvrier de Londres. Esmond, après l’échec de son livre, rêve d’ouvrir un night-club. Leur fille Julia naît au cœur de ce projet la même année, et elle est aussitôt follement aimée.
Jessica reçoit un cadeau de Diana, qu’elle remercie mais retourne le présent, car Esmond refuse tout lien avec Diana Mosley. En revanche, Jessica reprend contact en cachette Unity, bien que cette dernière soit ouvertement nazie. Malgré leurs opinions politiques divergentes, elles restent de très bonnes amies. Le seul Mitford qui fréquente volontiers le couple et y est bienvenu est Tom, le frère de Jessica. Pourtant pro-nazi, Tom apprécie ce milieu simple, loin des manières guindées de son milieu aristocratique.
Au printemps 1938, Jessica et Julia contractent la rougeole, une épidémie qui s’est propagée dans la ville. Malgré les soins attentifs des infirmières embauchées par Esmond, leur petite fille succombe à une pneumonie. Julia n’a que cinq mois. Le couple est dévasté. Pour fuir les commentaires cruels de la bonne société, qui blâme les parents pour cette tragédie, Esmond emmène Jessica en Corse, loin de ce milieu étouffant.
Las de la vie en Angleterre et inquiet de la montée des tensions en Europe, Esmond propose une nouvelle idée à Jessica : partir aux États-Unis. Là-bas, Jessica pourrait donner des conférences sur la société aristocratique anglaise, raconter la vie des débutantes, et évoquer ses années d’école outre-Atlantique. Selon Esmond, les Américains sont fascinés par la vieille Angleterre.
Aux États-Unis, le couple s’adapte et évolue, suivant les projets toujours renouvelés d’Esmond. Après une première expérience dans la publicité, Esmond ouvre un bar qu’il dirige pendant six mois. Mais lorsque la licence expire, la guerre éclate en Europe. Méprisant la politique de son pays d’origine, Esmond s’engage dans l’armée canadienne plutôt que dans l’armée britannique.
Jessica et Esmond dans le bar qu’ils ont ouvert.
Avant son départ, il nourrit un dernier projet : avoir un autre enfant avec Jessica. Un compagnon pour elle, un enfant qui pourrait grandir dans un monde apaisé, espèrent-ils, dans deux ou trois ans. Leur fille, Constancia, naît en 1941, alors qu’Esmond est déjà parti au front.
À seulement 23 ans, Esmond est porté disparu lors d’un raid sur Hambourg. Quelques jours plus tôt, il survolait la mer du Nord dans son avion, à la recherche de ses meilleurs amis, eux aussi disparus. Constancia n’a que neuf mois, et Jessica refuse d’accepter la disparition de son mari. Elle se rend alors auprès de l’oncle d’Esmond, Winston Churchill.
Le Premier ministre vient d’arriver à Washington, suite à l’entrée en guerre des États-Unis. En Angleterre, il a eu affaire à Tom Mitford — pourtant ouvertement pro-nazi — qui plaide pour la réunion en prison de sa sœur Diana et de son mari Oswald Mosley. Malgré tout, Churchill conserve une certaine sympathie pour Diana, qui jouait avec sa propre fille dans leur jeunesse.
Churchill conserve une certaine sympathie pour Diana, qui jouait avec sa propre fille dans leur jeunesse.
Oswald Mosley est conduit à la prison pour femmes de Holloway le jour de Noël. On leur réserve trois cellules et un petit espace extérieur qu’ils transforment en potager, entretenu par d’autres détenues réquisitionnées pour l’occasion.
Quand Churchill informe Jessica de ces conditions, tout en lui confiant qu’Esmond ne peut plus être en vie, Jessica explose de colère. Elle refuse d’entendre parler du traitement de faveur réservé à ce couple fidèle à Hitler, qu’elle tient pour responsable de la mort de son mari. Bien que désolé, Churchill lui offre une certaine somme d’argent. Jessica l’accepte à contrecœur, mais n’y touche pas. Elle en donne une partie à une association caritative, et avec le reste, elle offre un cheval à la fille de Virginia Durr, une amie chez qui elle réside depuis le départ d’Esmond.
Après la guerre, Jessica reste à Washington avec ses enfants. Embauchée comme secrétaire dans un cabinet d’avocats progressistes, elle gravit rapidement les échelons et devient enquêtrice. Son principal collaborateur, Bob Treuhaft, est un avocat à l’humour mordant et à la grande générosité. Fils d’immigrés juifs hongrois, Bob a grandi dans le Bronx et a réussi à intégrer Harvard. Militant de gauche convaincu, il consacre sa carrière à défendre les plus défavorisés.
Jessica trouve en lui un soutien solide, un appui dans ses combats et, peu à peu, elle réalise qu’elle est tombée amoureuse. Mais c’est aussi une femme fière et farouchement indépendante, elle fuit ses sentiments. Bob, déterminé, vient la retrouver et lui demande de l’épouser. Jessica accepte.
Peu après, Jessica donne naissance à leur fils Nicholas, puis quelques années plus tard à Benjamin. Elle élève ses enfants comme des adultes, les emmenant avec elle aux réunions du Parti communiste, leur transmettant ses convictions et son engagement.
Malgré les années, Jessica n’a jamais pu revoir sa sœur Unity. Lorsqu’elle apprend la mort de cette dernière en 1948, elle garde son chagrin pour elle. Comme autrefois, à l’époque de son mariage avec Esmond, elle ne parle pas de Unity à Bob, consciente que personne ne pourrait comprendre l’amour qu’elle portait à une sœur dévouée au nazisme.
Un autre drame vient encore marquer sa vie : Nicholas meurt à l’âge de dix ans, renversé par un bus en 1955. Jessica ne mentionnera jamais cette perte dans son autobiographie, trop douloureuse pour être partagée.
Elle ne se laisse cependant pas abattre. Forte de son engagement, elle rejoint le Civil Rights Congress, qui milite pour les droits civiques de la population afro-américaine. Dans l’Amérique d’après-guerre, où les Noirs sont souvent accusés à tort des crimes commis par des Blancs, Jessica se bat corps et âme à leurs côtés.
Mais les années 1950 sont aussi celles du maccarthysme et de la chasse aux sorcières. Hollywood est purgé, les militants de gauche traqués, et Jessica est convoquée devant la justice. Refusant de se taire, elle décide d’emmener sa fille Constancia au tribunal. Si elle doit aller en prison, elle veut que sa fille comprenne pourquoi, qu’elle sache quel combat elle mène. Pour Constancia, ses parents sont des héros.
Toujours fidèle à son sens de l’humour et à son esprit irrévérencieux, Bob offre un jour à la belle-mère de Jessica un petit opuscule ironique recensant les « activités anti-américaines » les plus célèbres. Parmi les noms d’avocats « dangereux » des États-Unis, celui de Bob figure en bonne place. Jessica racontera plus tard avec une pointe d’amusement :
« Ma mère, toujours ravie d’ajouter une pièce à l’un de ses nombreux albums de famille, prit l’opuscule et le plaça entre l’invitation qu’elle avait reçue pour le couronnement de Georges VI et un laissez-passer pour rendre visite à Lady Mosley à la prison d’Holloway. »
Seize ans après son départ, Jessica revient en Angleterre. Seule Deborah, sa sœur, y vit encore. Elle est devenue le lien fragile qui unit désormais toutes les Mitford. Lors d’un voyage en Hongrie, ce « pays des travailleurs heureux » selon la propagande communiste, Jessica fait des rencontres troublantes. Peu à peu, elle comprend que la réalité est bien plus sombre que le discours officiel ne veut le laisser croire. Un an plus tard, en 1956, le soulèvement populaire hongrois est brutalement réprimé dans le sang, tandis que Khrouchtchev dénonce les crimes du régime stalinien. Les certitudes de Jessica vacillent.
En 1958, lorsque leur père décède, Jessica apprend sans grande surprise qu’elle a été déshéritée à cause de ses convictions communistes. Nancy, profondément choquée par cette décision, lui propose de lui céder une partie de son propre héritage. Mais cet élan de générosité se tarit rapidement quand Nancy découvre que Jessica a publié une autobiographie : C’est Nancy l’écrivaine de la famille, pas Jessica. Elle reproche aussi à Jessica d’avoir dressé un portrait « bien laid » des Mitford.
Alors qu’elle attend fébrilement l’avis de Nancy sur son livre, Jessica reçoit une lettre désagréable qui insulte la mémoire d’Esmond en le qualifiant de « prototype du voyou ». Ses sœurs désapprouvent unanimement l’ouvrage, Diana n’hésitant pas à faire savoir son mépris publiquement. Étonnamment, seule Muv semble avoir apprécié le livre, le trouvant amusant et rafraîchissant.
Malgré les critiques, l’autobiographie de Jessica rencontre un franc succès et lui permet de faire entendre sa voix. Bientôt, les journaux la sollicitent pour écrire des articles. Elle fait encore plus de bruit avec la publication, en collaboration avec Bob, d’un ouvrage incisif dénonçant les pratiques douteuses et l’industrie florissante des pompes funèbres, qui soulève de vives réactions.
Pamela
Pamela Mitford est sans doute la sœur la plus discrète du clan. Elle ne s’est jamais engagée dans les débats politiques qui déchiraient la famille, ni d’un côté ni de l’autre, préférant mener une existence simple loin des intrigues et des scandales. Amoureuse de la campagne, elle y passera la majeure partie de sa vie, entourée de ses animaux et de la nature qu’elle affectionne tant. En 1936, Pamela épouse en en noir le physicien Derek Jackson. Leur union n’a jamais été vraiment acceptée par Nancy, qui lui reprochait ses sympathies pro-allemandes. Le couple n’aura pas d’enfants, mais Pamela jouera un rôle maternel important en prenant la garde des enfants de Diana lorsque cette dernière est incarcérée. Leur mariage prend fin en 1951, et de nombreuses rumeurs circulent alors sur la possible homosexualité de Pamela avec une Italienne.
Deborah
Surnommée Debo, elle connaît une jeunesse marquée par les tensions familiales. Elle subit avec difficulté les crises de colère d’Unity, revenue d’Allemagne, et la relation tumultueuse de leurs parents. C’est avec un certain soulagement qu’elle quitte la maison familiale en 1941 pour épouser Andrew Cavendish, le fils d’un duc du Devonshire. Andrew, alors membre des Coldstream Guards, obtient une permission spéciale pour le mariage. Dans une lettre écrite à Diana, Deborah laisse transparaître sa douceur et son espoir malgré les épreuves :
« Nous allons être horriblement pauvres [pauvreté à prendre au sens relatif], mais ce qui est bien, c’est que nous pourrons avoir autant d’adorables chiens que nous le souhaitons, et mettre un peu partout toutes les choses que nous aimons. »
Mariage de Deborah et d’Andrew – 1941
Le frère aîné d’Andrew, William, devait hériter du titre et de la fortune familiale. Cependant, sa liaison avec Kathleen Kennedy, sœur du futur président américain, fait scandale. Catholique, elle rencontre l’opposition des familles protestantes, mais le couple finit par se marier malgré tout. William est tué en septembre 1944, et Andrew devient alors l’héritier du duché. À trente ans, Deborah perd son beau-père six ans plus tard et accède au rang de duchesse du Devonshire.
Mais derrière cette vie dorée, Deborah a traversé de nombreuses tragédies : trois de ses six enfants sont morts-nés, son beau-frère a péri, Kathleen Kennedy, sa belle-sœur, disparaît dans un accident d’avion en 1948, son frère Tom est tué en Birmanie à la fin de la guerre, et Unity meurt également. Malgré tout, Deborah a su mener une vie de duchesse conforme aux attentes sociales et a accueilli l’auteure Annick Le Floc’hmoan pour lui raconter l’histoire de sa famille.
Le couple Cavendish.
Tom Mitford
L’unique fils du couple Redesdale a eu une vie brève, marquée par la même intensité et les tumultes qui ont caractérisé celle de ses célèbres sœurs, mais celles-ci ont largement éclipsé ses mésaventures. Tom a fait ses études au collège d’Eton, où il a notamment côtoyé Hamish Saint-Clair Erskine, l’ancien fiancé de Nancy. Beaucoup d’anciens élèves d’Eton faisaient partie du mouvement des Bright Young People, un groupe de jeunes aristocrates britanniques connus pour leurs fêtes extravagantes telles que des soirées costumées sur le thème du Far West ou fête d’enfants où tous les invités étaient déguisés en bébés. Diana, la sœur de Tom, a elle-même organisé des événements de ce type avec son premier mari, Bryan Guinness.
Une soirée organisée par les Birght Young People à Picadilly Circus en 1930.
Fête des Bright Young People ( Photographie Cecil Beaton ?).
Tom, Brian Howard et Bryan Guinness ont également été à l’origine du canular Bruno Hat, une fausse exposition consacrée à un peintre imaginaire. Tom incarnait le rôle de cet artiste fictif, et la réception s’est tenue dans la résidence de Guinness, où ce subterfuge a fait grand bruit.
Politiquement, Tom était un partisan de l’Allemagne nazie. Étonnamment, aucune de ses sœurs en lutte contre le nazisme ne lui en a vraiment tenu rigueur, même si Diana et Unity ont été vivement critiquées par Jessica et Nancy pour leurs sympathies pro-allemandes. Lorsque la guerre éclate entre l’Angleterre et l’Allemagne, Tom refuse de combattre contre les Allemands. Il est affecté à une mission dans le Pacifique, où il trouve la mort en mars 1945, en Birmanie.
Tom et ses soeurs (1935).
La fratrie Mitford dresse le portrait saisissant d’une aristocratie confrontée aux bouleversements du début du XXe siècle. Si leur famille a relativement été épargnée par la crise de 1929, elle n’en reste pas moins profondément inquiète face aux soulèvements communistes, comme celui survenu en Russie. L’aristocratie anglaise vit ses dernières heures, et certains membres du clan Mitford, tels que Diana et Unity, se tournent vers le fascisme, perçu à l’époque comme un rempart contre la montée du bolchevisme.
À l’opposé, Jessica incarne une conscience éveillée aux grands enjeux sociaux du siècle. Témoin des inégalités et des dérives autoritaires, elle choisit de combattre une société qui cherche constamment des boucs émissaires. Quant à Nancy, elle évolue en marge de ces luttes idéologiques. Si, dans sa jeunesse, elle a exprimé une certaine défiance envers les codes rigides de son milieu, elle semble avoir nuancé ses positions avec le temps — peut-être par lucidité, peut-être par nostalgie d’une ère aristocratique en voie d’extinction.
On met également l’accent sur les liens fraternels. Alors que parfois deux soeurs à la vision politique opposée (c’est le moins qu’on puisse dire) parviennent malgré-tout à conserver une forte complicité et affection, d’autres se déchirent comme ce fut le cas pour Nancy qui dénonça sa soeur Diana d’intelligence avec l’ennemi.
Pour aller plus loin La série Outrageous offre une version romancée de l’histoire des sœurs Mitford. Par ailleurs, Jessica Fellowes (à ne pas confondre avec Julian Fellowes, le réalisateur de Downton Abbey) a écrit une série de romans policiers intitulée Les Sœurs Mitford enquêtent, mêlant intrigue et portraits des célèbres sœurs.
[1] LE FLOC’HMOAN, Annick, Ces extravagantes sœurs Mitford, Manchecourt, J’ai Lu, 2002, page 157.
[1] The Lady appartient au père de Sydney qui est aussi le fondateur du Vanity Fair.
[2] LE FLOC’HMOAN, Annick, Ces extravagantes sœurs Mitford, Manchecourt, J’ai Lu, 2002, page 376
[3] The letters of Nancy Mitford and Evelyn Waugh.